"Aujourd’hui résolument dans l’action, j’ai été coincée dans l’incendie pendant trois ans, soufflant moi-même sur les braises confortablement installée dans ma phase d’introspection. Il convenait d’agir. Je devenais colibri".
Entrons sans détour dans le vif du sujet.
Mezirow (1991) définit l’apprentissage transformationnel comme le processus cognitif donnant sens à l’expérience d’apprentissage.
En d'autres termes, le processus d'apprentissage transforme nos perspectives qui elles-mêmes guideront nos actions futures. On parle de processus de traitement de l’information.
Dirkx (2006) a une approche plus holistique de la définition de l’apprentissage transformationnel (AT). Il propose une définition qui intègre les dimensions émotionnelles, morales, spirituelles et intellectuelles de l’apprenant. Il nous dit que les expériences subjectives vécues par l’individu impactent les cadres de références et opèrent un changement profond, la conscience de la transformation n’intervenant qu’après.
D’autres discussions ont fait évoluer la théorie de l’AT comme la place de la culture, des relations interpersonnelles ou du rôle des formateurs dans l’apprentissage de l’adulte (Cranton, 2006 ; Merriam, Caffarella et Baumgartner, 2007). Merriam (2004) voit dans l’AT un processus réflexif complexe qui mobiliserait la réflexion sur le contenu, le processus et les fondements de l’expérience. D’ailleurs, Ménard (2015) pense que l’AT suscite la réflexion critique et favorise le développement d’un leadership transformationnel comme le montre le cycle de l'apprentissage transformationnel ci-dessous.
(Ménard, 2015)
La capacité d’introspection rendrait ce processus possible.
Mezirow (1991) désigne d’ailleurs l’Insight, expérience d’apprentissage, soudaine et déterminante, comme facteur clé dans l’AT en ce sens qu’elle influence la conscience de soi et favorise la transformation de la personne. Selon Argyris (2008) encore, l’expérience favoriserait la remise en question des perceptions et de la vision du monde en opposition avec l’acquisition de savoirs qui conforteraient l’apprenant dans sa vision du monde plutôt que de remettre en question ses paradigmes.
Enfin, pour donner une définition plus actuelle de l’AT, transmise par un de mes professeurs, Bénédicte Gendron (2018), Directrice du Master 2 en sciences de l’éducation de l’Université Paul Valéry à Montpellier : "elle est une tentative de remettre en question certaines idées sur l'enseignement et l'apprentissage qui prévalent encore dans l'apprentissage centré sur l'enseignant et la nécessité de partager les connaissances plutôt que de les stocker. Dans cette perspective, l'heutagogie (synonyme de l’AT) envisage l'avenir, dans laquelle savoir apprendre sera une compétence fondamentale compte tenu du rythme de l'innovation et de la structure changeante des communautés et des lieux de travail.”
Savoir apprendre...
Les sciences de l’éducation et les définitions de l’AT en particulier nous expliquent que s’attacher à trouver de l’autonomie dans son apprentissage permet à la fois de remettre en cause son référentiel de pensée en le questionnant et d’apporter de la pédagogie à son management en général et à la santé en particulier, ce qui m' intéresse ici.
Cette capacité adaptative impacte positivement le reste de la vie et permet de ne plus se soumettre à l'impact que peut avoir un traumatisme sur notre propre fonctionnement, en atténuant la douleur psychique. C’est le principe de résilience tel qu'expliqué par Cyrulnik et il apparaît certain que s'attacher à le développer nous préparerait aux épreuves de la vie.
« Je sais mais je fais ma part »
Osons ici nous projeter un peu. Si ce modèle heutagogique, véritable état d’esprit, venait à se multiplier dans les programmes d’enseignement, il pourrait être contagieux à l’image du colibri. La légende amérindienne raconte qu'un petit colibri se démenait seul pour éteindre un incendie de forêt goutte après goutte alors que tous les animaux étaient paralysés par la terreur. Au tatou qui lui faisait remarquer qu'il n'y arriverait jamais, le colibri répondit : « Je sais mais je fais ma part ». Ce joli conte popularisé par Pierre Rabhi, agriculteur et essayiste, fondateur du mouvement des Colibris, est une référence pour de nombreux acteurs de la mouvance positive qui ont décidé eux aussi de faire leur part. En remettant en cause son modèle de pensée, on participe aussi à une meilleure gestion de la communauté. Le domaine de la santé ne devrait pas y faire exception. S'il est possible de trouver ses propres ressorts pour modeler notre chemin, les pistes explorées devraient être partagées au plus grand nombre pour une meilleure gestion de soi et au bénéfice de la communauté.
Ainsi, les choix que nous faisons nous définissent et disent aux autres qui nous sommes.
Finalement, la valeur de la vie pourrait se définir par la vie de ceux que nous touchons, c’est-à-dire par l’impact que nous avons sur les personnes qui nous entourent. Choisir de mettre en œuvre des actions en cohérence les unes avec les autres et en lien avec nos propres valeurs augmente l’impression que la vie a du sens. Cela a été mis en évidence par les travaux de Deci et Ryan (2002) sur la théorie de l’autodétermination qui comprend trois besoins psychologiques fondamentaux pour la mise en œuvre réussie d’une action: le sentiment d’autonomie, de compétence et de lien social. Le plein engagement participe ainsi au sentiment de réalisation de soi et augmente le sens de la vie.
Ces approches de l’apprentissage transformationnel nous montrent combien un événement tel que peut être un diagnostic de santé mène à une certaine introspection avant une prise de conscience, une démarche d’actions et de possibles actions correctives.
Aujourd’hui résolument dans l’action, j’ai été coincée dans l’incendie pendant trois ans, soufflant moi-même sur les braises confortablement installée dans ma phase d’introspection. Il convenait d’agir. Je devenais colibri.
Touriste en Sepanie, Il me faudrait d’abord trouver dans mes bagages les outils qui me permettraient de développer mes compétences à disposition. Je savais m’autoréguler, c’est-à-dire ajuster par exemple mon planning selon mon état de santé du moment, je savais dire non, dormir suffisamment, me confier, écouter, prendre du recul mais aussi analyser un contenu pédagogique, croiser des informations et les mettre en perspective et cohérence, construire des programmes...
Ma stratégie résida dans la mise en cohérence de mes apprentissages personnels et professionnels avec bienveillance envers moi-même, sans pression. Se concentrer sur les choses positives du quotidien m’aida à poursuivre mon objectif d’engagement sur un chemin plus lumineux. Construire ma confiance sur de petits succès m’aida à me comprendre, à devenir compatissante envers moi-même et à affiner ma façon d'appréhender les événements. J’ai surtout réalisé que si j’étais entourée et aimée, il me fallait déjà pouvoir m’aimer pour accepter de faire le chemin de l'apprentissage personnel, redéfinir les contours d'une nouvelle vision et construire ainsi ma résilience.
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