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Voyage en Sepanie - 5: La route du mental


Paradoxalement, il nous faut souvent être confronté à ses limites pour se sentir vivant.

Lorsque le diagnostic est tombé, je ne me suis jamais sentie aussi vivante qu’à cet instant pourtant mortifère. Le ici et maintenant laisse apparaître toute l'énergie ambiante un peu en suspension. Les problèmes quotidiens semblent soudainement dérisoires et s’effondrent tout à coup, laissant paradoxalement la beauté de la vie elle-même émerger comme mise en relief. Les mots et le mental ne s’emparent plus de quoi que ce soit comme si je devenais une version améliorée de moi-même. Çà y est, mon dictateur intérieur s'était enfin tue, il ne s'attendait pas à ça et il faisait de la place à ma conscience. Je venais de découvrir le processus permettant de se libérer de l'auto-hypnose.


La vie m’apportait quelque chose de très différent. Elle était l'occasion d'oser faire tout ce que je voulais, d' en terminer avec mes souffrances actuelles et passées pour devenir vraiment moi-même. Je réalisai que le bonheur consistait simplement à vivre en étant soi-même. Mais pour le moment j’étais dans un espace de vide, un peu confortable certes, car entre parenthèses. J’étais consciente que ma vie changeait et il qu'il ne tenait qu’à moi d’en faire quelque chose, de la modeler comme je le souhaitais. Cette parenthèse me permettait d’y réfléchir en toute légitimité, comme si j’avais encore besoin d’un accord extérieur. J’étais dans l’erreur, c’était le début de mon apprentissage, de ma trans-formation. Je bannis de mon vocabulaire le mot légitime car j'étais moi et je n'avais pas besoin de le justifier.


La maladie m’a soudainement éveillée à moi-même. Elle est le risque qui me permet d’explorer la vie.

En réalité j’attendais – à tort – un changement depuis longtemps et, peut-être faute de changer moi-même, intérieurement, il s’est manifesté de la pire façon qui soit. Il me fallait me rendre à l’évidence que m’attacher à me sentir mieux dans la vie en général passerait par un processus de transformation intérieure, non extérieure. Changer de métier, de lieu ou de vie nous paraît difficile car on saute l'étape d'introspection et surtout, nous pouvons toujours compter sur le mental pour nous faire douter. Aujourd’hui, avec le recul, la maladie m'apparaît être l’outil nécessaire pour enfin agir au lieu de réagir et l’indicateur de ce que je comprenais de mes maux, lorsqu’elle me positionna sur le chemin de la guérison – par la réalisation – trois ans plus tard.

J’acceptais le caractère inconstant de la vie en arrêtant d’attendre qu’elle me donne des résultats. On cherche toujours quelque chose de plus, à posséder, à admirer, bonheurs éphémères. Je compris que la maladie me sortait d’une illusion de confort pour m’inviter à rencontrer mon pouvoir créateur de bonheur. Lorsque j’étais dans le mouvement, j’étais dans la vie. Je compris que la maladie me donnait un certain élan pour agir et que ce qui m’arrivait avait sa raison d’être. Il est plus simple de partir d'une page blanche pour écrire l'avenir. Lorsque je voulais quelque chose, je réalisais qu'il suffisait de poser une action pour enclencher une opportunité puis une deuxième et que l'univers faisait le reste.




Je prenais le chemin de la résilience.

Il me fallait déconditionner mes programmes internes pour revenir à moi, expirer le passé engrammé sur mon système nerveux central et respirer le présent tout en mettant en question les schémas répétitifs des aspects de ma vie pour me permettre de trouver une réponse sur ce que le mal dit, le soigner et éventuellement guérir. Je prenais le chemin de la résilience.

Je rencontrais Sandra cet hiver là. Sa capacité à aimer tout de suite son prochain, à l’accepter tel qu’il est sans le connaître davantage, m’a apaisée et redonner foi en l’être humain. Autant dire que je ne me suis jamais sentie à ma place sur cette terre, pas vraiment en phase avec mes semblables. Déjà enfant, je ne comprenais pas les autres de mon âge (encore moins les adultes). La propension à juger l’autre et se juger soi-même détruit ce qu’il y a de beau en nous et ce qui nous relie tous : l’amour. L’ego m'a toujours apparut l’élément destructeur de notre monde avec sa quête d’avoir ceci et cela, du pouvoir sur telle personne, dans telle organisation, d’obtenir tel territoire, de ressembler à, de répondre à telle injonction, etc. Il me fallait me rendre à l'évidence: j'étais foncièrement libre.

Je vivais avec violence les interactions égotiques, les uns et les autres se jugeant, invectivant parfois avec haine, privilégiant leur profit plutôt que le bien commun. Les moments de solitude me sont nécessaires pour me régénérer et me préserver d’une conscience générale s’apparentant en vérité, pour moi, à une forme d’inconscience.


Malgré moi, l'existence, à cette époque de l’humanité, m’est contre nature et cela peut rendre malade je crois. Alors peut-être que la maladie est la démonstration d’une disharmonie de ce que nous sommes et, si tel est le cas, il convient de retrouver notre alignement.

Je décidai pour l'heure d'adopter la position de l'observateur qui me permettait de me détacher de l'impact du processus égotique humain sur mes émotions. Ce processus m'amena à ressentir, puis à créer paradoxalement, plus d'empathie autour de moi. Je décidai d'approfondir ma pratique de visualisation positive.


La pensée est créatrice

La pensée serait donc en cela créatrice ce qui serait inédit et intéressant si le grand public en avait un jour confirmation. En vérité, l’impact de nos pensées sur notre santé est étudié et corroboré par de plus en plus de chercheurs. Les émotions positives telles que la compassion, l’empathie, le pardon, le sacrifice et le dévouement auraient des conséquences sur le plan médical. Elles sont décrites par le Dr. Deepak Chopra et Rudolph E. Tanzi (2018) qui abolissent ainsi les barrières entre le corps et l’esprit. Si la médecine occidentale veut nous faire croire que nous ne sommes qu’un corps, il semble que cette conception du corps-objet tende à devenir has been et il apparaît de plus en plus certain que les sentiments d’amour recèlent de précieux pouvoirs de guérison. Il nous faut malgré tout y parvenir même si notre système éducatif ne nous permet pas vraiment d’atteindre cet état d’esprit. Alors, en attendant que nos institutions évoluent, on recherche des moyens de « lâcher » notre mental et la méditation peut en être un. Apparentée aux techniques de pleine conscience, elle favoriserait un meilleur état de conscience et de santé. J'allai étudier toute la littérature que je pouvais.




Jon Kabat-Zinn rappelle que « la patrie de Descartes a été une des dernières à traduire ses livres. Si elle accorde désormais du crédit à la pleine conscience, c’est parce que la pratique est validée scientifiquement »

Si une approche de la pleine conscience dans les pratiques pédagogiques existe déjà dans les pays anglo-saxons (Singh, 2017 ; Borker, 2013 ; Dietz, 2017 ; Franzese, 2017 ; Hanson, 2017 ; Joshua, 2011 ; Kolb, 2009 ; Langer, 1997 ; Ostafin, 2012 ; Shapiro, 2011 ; Vogus, 2012 ; Weare, 2017), l’usage y est plus rare dans l’enseignement français. Par rapport à d’autres pays d’Europe, comme la Grande Bretagne, où des projets de financement de programme dans l’éducation, dans la justice, sur le lieu de travail, sont en cours, la France a accueilli la pleine conscience (PC) avec un certain retard. Jon Kabat-Zinn rappelle que « la patrie de Descartes a été une des dernières à traduire ses livres. Si elle accorde désormais du crédit à la pleine conscience, c’est parce que la pratique est validée scientifiquement ».


L’approche de la méditation du point de vue des apprentissages vise à « trans-former », par une démarche de prise de conscience, et renvoie à une approche heutagogique à des apprentissages transformationnels. Les émotions jouent un rôle clé dans tout processus d’apprentissage en agissant sur la capacité de mémorisation de l’apprenant, sur sa rétention de l’information et sur son attention (Christianson, 1992 ; Finkenauer, Luminet et al., 1998). Il existe un lien fort entre les émotions et certains processus cognitifs comme l’attention, la mémorisation ou encore la prise de décision, leviers indispensables de l’apprentissage. Il a été prouvé que les émotions positives augmentent les performances de l’apprenant en activant les mécanismes de l’attention sélective, facilitent les souvenirs d’événements et d’expériences à long terme (Brosch et Al., 2013).


Si la science cognitive peut expliquer comment l'esprit d'un étudiant peut résoudre un problème mathématique, par exemple, elle ne peut cependant pas expliquer pourquoi ce même étudiant a peur d'échouer à son examen, et pourquoi il décidera, contre toute attente, de ne pas se présenter à celui-ci... Comme le montre Goleman (1995), le succès et la réussite sociale ne dépendent pas seulement du QI (Quotient Intellectuel) mais aussi du QE (Quotient Emotionnel). Les résultats de ses travaux s'expliquent par les liens physiologiques importants existants entre les bases limbiques du cerveau et les lobes cognitifs, sensoriels mais aussi réflexifs du cerveau (Ledoux 2005). Ainsi les cognitivistes rejetant l'idée d'émotions réfléchies et rationnelles, ont sans doute tirés des conclusions hâtives. Et comme le dit Joseph Ledoux (2005, p.28) « Il est temps maintenant de remettre la cognition dans son contexte mental, de l'associer à l'émotion au sein de l'esprit ».


C'est bien parce que nos émotions sont en parties conscientes et inconscientes (Ledoux, 1999) que notre esprit peut être trompé, au point d'accepter un univers comme réel, alors qu'il ne l'est pas. De nombreux paramètres sont déterminants dans la notion de présence. Ils ont été définis comme le volume de relations sociales, le degré de réalisme, la notion « d’être ici » et de « c’est ici », et la perception de l’immersion (Lombard, 1997).

Je modelais la Sepanie avec Amour.



Revenons en Sepanie.

Si les ouvrages étudiés ci-dessus m’ont convaincus de pratiquer la pleine conscience pour une meilleure gestion de ma maladie – et de tous les aspects de ma vie en général – il faut avouer que s’y mettre sérieusement, avec une vie active et des moments de loisirs trop courts est compliqué à mettre en place. C'est surtout une question de priorité. En réalité, l'exercice principal est de se mettre, toujours, dans la position de l'observateur, observateur de ses pensées, afin qu'elles ne nous atteignent pas et de les laisser passer.

Je m’attachais donc à me me réapproprier la pratique de l'observateur et méditais sur mes trajets en combinant des visualisations de guérison. Dans les faits, j’imaginais autant que je ressentais, une vague lumineuse et bienfaisante traverser mon corps, combler mes lésions et me dynamiser. Si je n’avais aucune certitude du résultat, cela me procurait au moins un bien être indéniable et une clarté d’esprit de plus en plus vive au fil de la pratique. L’effet le plus étonnant que j’éprouva au bout de quelques mois fut le besoin de terminer mes sessions de visualisations par le renvoi de cette vague lumineuse et bienfaisante sur tous les voyageurs qui m’entouraient afin de leur faire profiter – si cela était possible – des effets positifs de cette méditation-visualisation. Je modelais ma Sepanie avec Amour.


Si je m’acclimatais aux contraintes que m’imposaient ce territoire et compris comment m’alimenter, me réapproprier mon corps et modeler mon mental, il me fallait trouver qui j’étais réellement. Je ressentis au fond de moi l’élan de développer ma spiritualité. Je ne parle pas d’une spiritualité héritée telle que peut être une religion mais bien d’une spiritualité à découvrir. A l’aube de la quarantaine, j’avais la conviction ultime que cette route éclairerait pour toujours mon chemin en Sepanie.

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