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Voyage en Sepanie: au travail !

Dernière mise à jour : 1 juin 2020

Des recherches récentes montrent que la fatigue et les troubles cognitifs sont les deux principales raisons pour lesquelles un employé atteint de sclérose en plaques (SEP) doit changer d'emploi, réduire ses heures de travail ou prendre une retraite anticipée.

Environ 95% des patients atteints de SEP se plaignent de fatigue et de difficultés cognitives. Les autres symptômes neurologiques pouvant affecter l'emploi comprennent les troubles de l'élocution, les problèmes de vision et les difficultés de transport.

Personne ne peut se douter qu'au moment de cette photo prise en février 2014 par ma collègue Anne, je suis sous le choc d' une sclérose en plaques déclarée trois mois plus tôt. Pourtant, derrière mon apparence de jeune femme en pleine santé, beaucoup de doutes émergent en même temps qu'un brouillard cognitif de plus en plus envahissant.


Des handicaps invisibles, une confiance ébranlée

Des réveils difficiles marquèrent le début de ma nouvelle vie de "sepienne" active. Après une dizaine de jours d'arrêt maladie engrammée à jamais dans mes souvenirs, je franchissais la porte de mon travail en étant déjà une autre personne. Plus aussi dynamique et moins impliquée dans des missions dont il me fallait retrouver le sens, affaiblie physiquement et moralement par un nouveau locataire ayant obtenu (ou plutôt volé) un bail à durée indéterminée dans mon corps. J'étais ici et ailleurs en même temps, sonnée avec un double quantique, comme si on venait de me prendre ma vie ou de me projeter dans un autre monde...la Sepanie.


Les semaines de travail devenaient des courses d'endurance hebdomadaire avec un traitement aux interférons aux effets indésirables à la fois puissants et épuisants. J'arrivais plus tard, j'étais moins performante et mon avenir professionnel m'interrogeait tant je ne savais pas ce que cette maladie chronique pouvait me réserver au fil des mois et années qui suivraient. Quel sens pouvais-je donner à ma carrière dont je ne savais plus, à trente-trois ans, si je pouvais encore lui donner l'opportunité d'un cap ?


Devrai-je réduire mon activité professionnelle ? m'absenter régulièrement ? arrêter de travailler ? Comment pourrai-je évoluer professionnellement ? Comment ferai-je pour subvenir à mes besoins ? Accéder à la propriété ? Dois-je le dire à mon employeur ? Me confier à mes collègues ?


Des relations à couvert et à découvert

Je suis en charge de la vie associative étudiante d’une business school parisienne lorsque Anne, qui partage mon bureau, me demande avec humour d’arrêter de lui faire des clins d’œil toute la journée. Je ne me rendais pas compte qu’il s’agissait d’un signe avant-coureur, parmi tant d’autres, d’une paralysie partielle du visage qui arriverait quelques jours plus tard.



J'évolue dans cette école depuis quatre années lorsque la maladie se déclenche et j'ai pu prendre le temps de nouer des liens, parfois forts, avec mes collègues. Je suis discrète mais active, silencieuse mais à l'écoute, indépendante mais organisée et solidaire dans l'effort. Mon absence soudaine provoqua des interrogations dont j'étais moi-même la première enquêtrice puisque le diagnostique tomba quinze jours plus tard après une hospitalisation et de multiples symptômes et examens désagréables.

Mes collègues les plus proches ont donc vécu l'arrêt maladie un peu avec moi, les tenant informées de ce m'arrivait sans en comprendre moi-même le sens.



Elles furent un soutien capital dans le lien qui m'unissait à ma place dans l'entreprise . Elles me raccrochaient à la vie d'une certaine manière en me témoignant affection et attentions quotidiennes parées de portes-bonheurs en forme d'étoiles.


Bien sûr je choisissais à qui je me confiais proportionnellement aux relations de confiance construites: collègues proches et direction.


Par la suite, lorsque ma carrière évoluait en même temps que mes employeurs, je ne me présentais pas au recrutement en disant "bonjour, j'ai les compétences que vous recherchez mais j'ai une sclérose en plaques qui peut à tout moment se manifester avec des conséquences dont vous ne voudrez pas". Je n'avais pas à culpabiliser d'un état dont je n'étais pas responsable. Tout le monde, peu importe la hiérarchie dans l'entreprise, peut être victime d'un accident ou tomber malade. Je souhaitais simplement être considérée pour ce que j'étais: un "agent" compétent de l'entreprise.


Ne pas dire que vous êtes atteint d'une maladie chronique ne fait pas de vous une personne malhonnête, cela fait de vous une personne dont la maladie ne prend pas toute la place. Vous la remettez justement à sa place, une place qui n'a rien à faire dans la vie que vous souhaitez. Surtout, vous ne voulez pas que l'on vous traite différemment de votre collègue sous prétexte que vous êtes plus fragile. Ainsi, vous ne mettez pas votre hiérarchie dans une position délicate. Ce secret me rendait plus forte et je savais à qui me confier quand j'en ressentais le besoin. Le temps de la transparence vient forcément un jour ou l'autre.


Des compétences en plus: résilience, tolérance, endurance, empathie et optimisme

Tout le monde portant un fardeau construit de nouvelles compétences au premier rang desquelles la résilience.

La maladie est simplement le véhicule qui me permet de me trans-former. c’est quand tout va mal qu’on apprend à rentrer à l’intérieur de soi et à regarder ses pensées et ses émotions.

Je me suis rendue compte que le problème était l’attachement à mes propres pensées, une sorte d'auto-hypnose de mon dictateur intérieur, le mental. Pour mettre une distance avec mes craintes de l'avenir, j'ai pris la position de l'observateur ce qui m'a permis de sortir la tête de l'eau et de lâcher prise sur un avenir dont je n'avais de toutes les façons pas la main mise, comme tout à chacun en réalité.


Tel le pèlerin qui "pèle ses couches" au fil de sa marche, j'apprends à m'observer en permanence pour avoir un terrain vierge et construire plus facilement. A chaque pas j'arrive. Je m'attache à être pleinement dans le présent du travail que j'accomplis et ce faisant, je le fais mieux ! Cet état d'esprit m'a permis de reprendre mes études en même temps que de poursuivre une vie active, j'y ai gagné une endurance à toute épreuve et des preuves dans les épreuves.

Etre dans le détachement n'est pas être dans le déni. Lâcher n'est pas du non agir, ce n'est pas ne rien faire, c’est arrêter de s’en faire. Si tout ce qui résiste persiste en effet, j'arrêtais de remettre en question mon avenir et je gagnais en optimisme !


J'ai aussi appris à être plus tolérante et empathique. Autant avouer que j'aime le travail bien fait ! J'avoue avoir manqué de tolérance à une certaine époque...la maladie a remis les pendules à l'heure. J'ai réalisé que si un brouillard cognitif m'envahissait parfois entre autres fatigues et difficultés de marche ou douleurs inopinées, cela pouvait et a pu arriver à d'autres. Surtout, on ne sait JAMAIS quel fardeau son collègue ou directeur porte. En vérité, tout le monde porte un fardeau, peu importe sa nature, cachée ou pas, conscient ou non de son existence, il fait partie de l'aventure humaine et permet d'avancer tels d'éternels apprenants sur le chemin de l'éveil.



Des choix de vie: je ne travaille plus, j'oeuvre !

Presque 7 ans après le début de la maladie, mon parcours en entreprise a été un succès tant dans ses rencontres et réalisations que dans le gain de compétences techniques et humaines.


Aujourd'hui, je trouve un lien pédagogique fort entre la gestion de la maladie et le développement des compétences et aspire à régénérer la formation en laissant plus de place au développement personnel, à la découverte de soi et de ses aspirations profondes, autant à l’introspection qu’à l’action raisonnée.


Avec la création de Sparkle, je poursuis mon travail d'ingénierie pédagogique auprès des écoles autant que mon accompagnement des étudiants dans la réalisation de leurs objectifs. Je mets au service de chacun mon expérience personnelle de transmutation de la maladie couplée à mon expérience professionnelle de gestion des compétences. J'oeuvre aujourd'hui selon mon propre rythme. Émancipation.


Ainsi, je souhaite donner la possibilité à ceux qui sont dans la transition, de par les aléas de la vie ou de leurs propres choix, de passer le cap avec leurs propres armes, ces petites étincelles intérieures endormies qui une fois allumées, montreront toutes leurs capacités à traverser et sublimer la vie.

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