top of page

Voyage en Sepanie - 3: gastronomie sepienne

Dernière mise à jour : 1 mai 2020

Pour la première fois depuis 2013, je décidai de me prendre véritablement en main et de définir le cap d’une voie de guérison dont j’étais la seule gardienne.


J'adore manger.

Thaï, vietnamien, indien, indonésien, japonais, coréen...Oui, j'aime plus qu' un peu l'Asie et je suis prête à m'y rendre juste pour déguster une soupe au petit déjeuner au bord d'une route parfumée de brochettes au saté et d'encens se consumant au temple d'en face. La street food a de plus cette particularité sympathique de rapprocher particulièrement les gens et de faciliter l'apprentissage de langues étrangères. Et non, je n'ai jamais été malade. En général, si mon corps aime, mon corps digère.


La pratique de la pleine conscience débute à ce stade pour moi: aimer ce que nous sommes en train de faire. Ici, manger, manger vraiment, consciemment, amoureusement. Le nutella n'est pas amour, il est désir. Bien sur j'en éprouve également, mais si cette pâte à tartiner n'existait qu'en Italie, je ne m'y rendrai pas pour autant.


Je rentrais de mon expatriation asiatique en décembre 2016 et revenais à un régime pain-fromage-bon petits plats de chez nous. J'allais rapidement en payer les conséquences. Ma semaine de partiels de janvier 2017 à l'université de Caen avait eu le mérite de mettre en exergue des difficultés physiques et cognitives que je dépassai difficilement dans l’endurance.

Comment ferai-je au moment de reprendre une activité professionnelle ? Mon corps et ma capacité de cognition étaient clairement bridés. Comment exploser ces barrières et optimiser mes compétences physiques et mentales ? Pour la première fois depuis 2013, je décidai de me prendre véritablement en main et de définir le cap d’une voie de guérison dont j’étais la seule gardienne.


Suite à ma première lecture du livre de Venesson (voir post voyage en Sepanie n°2) je voulu corroborer cette méthode alimentaire par d’autres témoignages lorsque je tombai sur l’ouvrage du Docteur Terry Wahls intitulé le protocole Wahls (2014). Elle est atteinte d’une sclérose en plaques et a donné une conférence TED retentissante pour raconter son histoire et expliquer sa démarche. Je revisionne sa conférence chaque année pour me rebooster et je conseille à chacun de l'écouter:


Elle prône une alimentation non transformée, plus saine et variée, riche de légumes, de baies, d'algues, de rognons (je fais la même tête que vous !) et de fruits locaux et bien sur biologiques. En somme, une nourriture paléo.


Un matin de février 2017, je mis ma tenue de Marty Mc Fly chasseur-cueilleur moderne affublée d'un panier: j'ouvrai les portes des magasins spécialisés afin de changer radicalement mon régime alimentaire pour changer le cours de mon futur.




Cela impliquait de réapprendre à cuisiner avec des produits biologiques et locaux (le plus possible) non transformés. Je passais aux laits végétaux et apprenais rapidement à manier les farines sans gluten. Je me suis rapidement aperçue que le gluten était absolument partout depuis que l'alimentation est devenue industrie: pain, tarama, biscuits, pâtes, et globalement tout ce qui est emballé... ainsi que le lactose (saucisson, patés, etc.). Je m'étais un point d'honneur à varier les couleurs dans mon assiette, vrai gage d'apports nutritionnels multiples. La difficulté majeure résidait à se passer de fromage mais ma santé passerait avant tout et ce basculement n’était pas définitif, je comptais bien réintégrer certains aliments particulièrement convoités un jour ou l’autre. Je pense avoir été un peu désagréable avec Philippe à ce moment là tant les frustrations furent nombreuses ! Ce faisant, je m’excluais également un peu de la vie sociale. Dîner chez des amis relevait parfois du défi, décortiquer une carte de restaurant devenait frustrant tant le même plat finissait toujours dans mon assiette : un poisson accompagné de légumes, healthy mais pas sexy.

Je tenais le coup et ne fis aucun écart jusqu'à amélioration notable de mon état physique et cognitif.


Néanmoins, en trois mois, ma vie changea et rien ne serait plus jamais comme avant.

Je me lève, je ne tangue plus. Je marche, je ne m’enfonce plus. Je lis, je ne feuillette plus.


Littéralement du jour au lendemain, alors que j’avais oublié ce que je ressentais avant 2013 tant je m’étais accoutumée à mon état, l’énergie revenait bel et bien dans mon corps. Ce matin là d'avril 2017, je me leva avec 5 à 10 ans de moins. Mes pieds touchaient fermement le sol et mes jambes me criaient d'avancer pour voir: "On oua ouar" comme dirait ma grand-mère. Je marchais sans difficulté et il me semblait que mon brouillard cognitif s'évanouissait comme par magie. Je pris un livre. joie. plus de flou, plus de fatigue occulaire et cognitive. Aussi, je sentais de nouveau mes doigts sur le papier alors que je n'avais pas réalisé jusqu'alors que j'en perdais la sensibilité. Étais-je en train de rêver ? Les larmes me montèrent au visage. L'impermanence de la vie n'était pas seulement oiseau de malheur, elle était aussi sel du bonheur, un balancier équilibré.


Cet enchantement me rendait à la fois très heureuse et médusée. Récompense. Était-ce cette nouvelle façon de m’alimenter qui permettait ce qui ressemblait à une guérison pour moi ? Était-ce aussi simple que ça ? Si tel est le cas, pourquoi mon médecin ne m’en a-t-il pas parlé ? il devait forcément être au courant. Cela marcherait-il pour tout le monde ? Pour toujours ? Si oui, pourquoi cette omerta ? Le combat est-il déjà gagné ? Ce résultat suscitait en effet autant de satisfaction que d’interrogations : cet état allait-il disparaître ? Comment vais-je pouvoir gérer des déjeuners au travail ? Et surtout: POURRAI-JE RÉINTÉGRER DU FROMAGE ?! Mon mental tentait d'obtenir des réponses concrètes tandis que mon esprit était joie.

Des questions plus importantes et humanistes me percutèrent ensuite: se peut-il que la spéculation de nos denrées alimentaires, par l'industrialisation de nos assiettes, rende notre humanité malade ? Mes tripes, autant que mon double quantique de 2013 riaient déjà de ma naïveté...mon corps, visiblement assainit, venait de m'apporter une réponse tranchante.


Philippe me rappela que ces questions étaient futiles au regard du bénéfice que ce changement de régime alimentaire impliquait. Il avait bien sur raison mais, pour revenir à mes propres tripes, imaginer me passer toute ma vie de fromage était une torture. Je décidais de m’autoriser un repas mensuel libre : dîners de fromages, raclette, fondues devraient m’aider à tenir le cap ! Ces rendez-vous ont démultiplié mon amour de la pâte molle, mes yeux s’écarquillant régulièrement devant crèmeries et fromagers…du lèche-vitrine en Sepanie !



Presque trois ans plus tard, je poursuis ce régime alimentaire (ponctué de cheat meals ;)) convaincue qu’il m’apporte des bénéfices incontestables. Bien sur il m'est arrivé de fauter, par dépit, fainéantise, colère, lassitude, tristesse, peur... A chaque fois que j'exagérais, mon corps me rappelait à lui: fourmillements dans les doigts, brouillard cognitif, difficulté de marche, lumières dans ma vision, fatigue, le loto de la SEP ! Ma famille et amis prennent adorablement en compte mes exigences et adaptent leurs repas en me proposant toujours une alternative. Je n’hésite plus à apporter mon pain sans gluten ou un dessert au lait végétal.

La pleine conscience de ce que je mange s'est également développée de façon exponentielle et inexplicable (comme mon odorat) car je sais, enfin, mon corps sait, comme s'il était doté d'une autre conscience que ma propre personnalité, ce qui est bon pour lui ou pas. Il m'arrive d'avoir envie de quelque chose et de m'arrêter à la première bouchée, sentant instinctivement (les tripes !) que ce n'est pas bon pour moi. Pour tous ceux étant dans le doute, je propose de tenir un carnet, sur 1 semaine, de tous les ingrédients pris et de noter sa forme physique et cognitive associée. Cela peut aider à détecter une intolérance. Nous sommes tous, par définition ADN, unique.




Vous faîtes peut-être votre pain, moi aussi.

Je remarque avec bonheur que notre mode de consommation évolue. Les œufs bios ont remplacé les œufs de poules élevées en batterie, les laits sans lactose se multiplient, on mange moins de viande…l'industrie sera obligée de s'adapter ou de sombrer, nous sommes les consommateurs au pouvoir. Prise de conscience générale. Prise de conscience générale renforcée par l'effet de confinement à l'heure où j'écris ces lignes. Vous faîtes peut-être votre pain. Moi aussi. (avec une farine sans gluten bien sur^^).


"Avec un tout petit peu de pleine conscience, vous pouvez voir vraiment d'où vient votre pain. Il n'est pas sorti de rien. Le pain provient des champs de blé, d'un dur travail, du boulanger, du fournisseur, du commerçant, etc. Mais le pain est plus que cela. Le champ de blé a besoin de nuages et de soleil. Alors, dans cette tranche de pain, il y a le soleil, il y a des nuages, il y a le labeur de l'agriculteur, la joie d'avoir de la farine et le savoir-faire du boulanger, et puis - miraculeusement ! - il y a le pain. Le cosmos tout entier s'est rassemblé pour que ce morceau de pain puisse être entre vos mains. Vous n'avez pas besoin de méditer longtemps pour obtenir cette vision profonde. Tout ce qu'il vous faut, c'est ne plus laisser votre esprit se perdre dans les soucis, dans les pensées et dans les projets".

(Thich Nhat Hanh, 2016)


bottom of page