On n’a pas le droit de courir en Sepanie, les panneaux limitateurs de vitesse sont partout. Je me prépare à les faire tomber.
2017.
Maintenant que l’énergie revenait dans mon corps grâce à une alimentation non transformée, il me fallait tester ses capacités de remise en forme. M’attacher à réactiver mes muscles suivait logiquement un changement de régime alimentaire. Mon voyage m’appelait maintenant à un éveil physique.
En 2013, malgré l’arrivée de la maladie, je me croyais encore invincible. La vie m’a rapidement rappelée à mon état lorsque je voulu attraper un bus à la sortie du travail. Prise dans mon élan d’ancienne sprinteuse, mes genoux cédèrent lamentablement au bout de 2 foulées et je tombai sur le trottoir, nulle, dépitée et découragée : mon corps me disait non. Tu ne rentres pas en Sepanie comme sur une piste d’athlétisme. T'y rentre tranquillement à pied, possiblement sur un seul, voire en chaise roulante. Je m’étais surestimée. Adolescente, je m’exerçais allègrement au cent mètres et participais aux compétitions de lycées. Ne plus être en capacité de le faire ne me donna même plus envie d’essayer. Ce jour là, je compris que j'étais vraiment malade.
Certes je n'avais plus de paralysie mais il ne fallait pas exagérer non plus. On n’a pas le droit de courir en Sepanie, les panneaux limitateurs de vitesse sont partout. J'allai faire tomber ces panneaux. En attendant il me fallait l'accepter et réfléchir à une stratégie.
En mai 2017, je décide donc de prendre mon corps en main et de m’accorder quinze minutes de renforcement musculaire tous les matins. A ce moment là, je suis encore en reprise d’études et dispose de temps pour m’occuper de moi : j’apprends toujours à cuisiner sans lactose et sans gluten et je dors suffisamment. Nous verrons plus tard comment m'organiser une vie plus active. il me fallait être dans l'action présente.
Rapidement et naturellement, j’incluais des mouvements énergétiques ayant acquis quelques bases de Qi Gong par le passé. La sclérose en plaques affecte d’abord le corps et cette pratique me permettait de le traiter avec douceur car je savais que ce locataire indésirable pouvait montrer son mécontentement d'un moment à l'autre. Ces mouvements, accompagnés de visualisations positives, me donnaient l’impression de retrouver une certaine force intérieure. L’année s’écoula paisiblement sans poussées avec l’obtention de mon Master 1 et un gain musculaire non négligeable. Malgré tout je ne me sentais pas prête à courir.
Je venais d’échapper de justesse à la canne.
Juin 2018
Des fourmillements gagnaient ma jambe gauche de jour en jour jusqu'à ce que je ne sente plus ma peau sous ma main. La canicule de cet été là me provoqua une paresthésie et j'arrivais aux urgences à cloche pied... J'y restai trois jours sous perfusion de corticoïdes à haute dose. A la sortie, je me retrouvai sur mes deux jambes et redoublai de vigilance. Je venais d’échapper de justesse à la canne. Sans cette perfusion, je ne sais pas si j'aurai retrouvé l'usage de ma jambe, peut-être pas aussi rapidement ou peut-être pas du tout. J'étais reconnaissante au système de santé de me permettre des soins efficaces. Je ressentais aussi de la déception tant je me persuadais que mon nouveau régime alimentaire et mes mouvements quotidiens me préserveraient de ces coups durs. Ça n’était pas suffisant et il me fallait explorer d’autres pistes. Autant dire que je n’en n eu pas immédiatement le courage et resta sur le bord du chemin me reposer un peu…d’autant plus qu’il me fallu valider mon Master 2 que j’obtenu et qui marqua la fin de ma reprise d’études. Mission accomplie !
Faute de pouvoir courir, je pouvais encore marcher et comme par habitude de transmuter les événements douloureux et malgré l'avis timoré de mon médecin, j'envisageais de randonner cet été là. Liberté de disposer de moi-même.
Quelques semaines plus tard, je partis gravir les montagnes de la Vanoise (Alpes) que j'affectionne tant ! Il est de ces endroits magiques qui insufflent une énergie incroyable. Je retrouvais l'énergie de mes quinze ans. Je me sentais à ma place, transcendée comme portée par une nature à laquelle j'appartenais. Je voulais vivre ici. C'était chez moi.
Octobre 2018
J’obtenu mon Master 2 lorsqu'une autre bonne nouvelle tomba. Mon examen médical annuel arriva cet automne-là, je redoutai des lésions supplémentaires suite à la poussée de juin. Il n’en fut rien à mon grand étonnement et à la surprise du docteur qui m’indiqua une résorption de vingt pour cent des lésions les plus importantes. Ce fut une belle surprise au compteur de ma vingtaine d’IRM étant donnée son caractère inattendu ! Je n’ai donc pas eu de poussée cet été là, la chaleur ayant simplement provoqué un symptôme certes très handicapant bien que temporaire.
Ce résultat amena, outre une certaine satisfaction, des questions importantes telles que le potentiel effet bénéfique de mon alimentation sur mes lésions elles-mêmes en plus de mon état général, la capacité de mon corps à fabriquer de la myéline, élément constituant la gaine protectrice du système nerveux, l’impact même des lésions cicatrisées sur de prochaines poussées, etc.
Mon neurologue vint répondre à ces questions en demi-teinte m’expliquant qu’effectivement, de nouvelles études démontraient l’impact bénéfique d’une alimentation sans gluten et sans lactose sans pour autant guérir et que les lésions cicatrisées pouvaient se rouvrir, déception. Déception car je lui en voulais de ne pas m’avoir conseillé de modifier mon alimentation dès le départ et déception d’apprendre qu’une cicatrisation ne me mettrait pas pour autant en sécurité.
Je ne serai donc jamais sorti d'affaire. Je ne voulais pas l'accepter. Ma boussole intérieure me criait que j’étais sur le bon chemin et qu’il me fallait tracer ma propre route, me faire confiance, poursuivre mes efforts et multiplier les thérapies alternatives. Elle était mon intuition que je décidai d'affûter, convaincue que le bonheur était de simplement apprendre à vivre avec soi-même. Il me fallait changer ma perception de moi-même pour réinventer mon corps et apprendre que je n'étais pas contrôlée par mes gênes mais par mes croyances.
Je réalisais que mon voyage en Sepanie n'avait pas pour but de découvrir un nouveau territoire mais de le voir avec un autre regard.
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